Être dans l’instant présent et non dans nos pensées

  • 06 Octobre 2021
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Des années plus tard, après l’éloignement ou la séparation, chacun va se demander : « Mais comment tout cela a-t-il pu se passer ? ». Avec parfois le sentiment qu’il s’agit d’un rêve qui a mal tourné, qui a dérapé dans la réalité.

Pourtant l’imprévisible était au rendez-vous.

Il était là, et elle était là au même moment, dans ce lieu qui fut celui de leur premier regard. Ils avaient perçu l’un et l’autre qu’ils étaient attirés, du moins qu’elle n’était pas indifférente à sa présence, que lui était sensible à son charme, qu’il aimait la douceur de son visage, qu’elle appréciait son sourire, qu’il se sentait ouvert à des partages, qu’elle n’hésitait pas à se tourner vers lui. Des signaux infimes ont circulé abolissant les distances, des vibrations ont rejoint d’autres vibrations, des accords invisibles se sont établis, des chants silencieux ont commencé…

Alors sans plus d’hésitation, ils se sont rapprochés, ils se sont caressé des yeux… Puis, sans aucune retenue, ils se sont étreints par la pensée ; ils ont, immobiles l’un et l’autre, bu leurs lèvres, laissé parler leurs corps soudain très éveillés. Ils se sont enfin abandonnés à la liberté d’être reçus, accueillis, et sont entrés de plein pied dans un plaisir nouveau, étonnés d’être aussi vivaces, présents, absolus. Et quand, à chaque fois, venait le moment de se quitter, avec précaution, ils tentaient de prolonger l’instant, d’échanger quelques mots pour traduire le bon, le doux, le joyeux qu’ils s’étaient offerts. Ils ont manifesté le désir de se revoir, de recommencer, d’agrandir ce bon, ce doux, ce joyaux partagé. Ils étaient encore à ce moment-là deux personnes autonomes, responsables, réceptives à la présence de l’autre, désirant d’autres rencontres, ouverts à une relation.

Est alors arrivé le temps des malentendus, du silence. Celui de l’attente, de l’incertitude : »Va-t-il donner un signe de vie ? » « Va-t-elle appeler ? » « Quand nous reverrons-nous ? », des échanges rapides et urgents liés aux messageries sociales, au smileys, propices aux fautes de frappe, aux interprétations.

 Les prémices d’un auto-sabotage actif étaient en place, surtout quand on se met à penser à la place de l’autre sur ce qu’il a fait, pas fait, aurait dû faire, fera ou ne fera pas, dit pas dit, voulu dire … Il y eut bien sûr d’autres rencontres improvisées, suscitées, voulues, exprimées. Le présent prenait toute la place, occupait toutes les pensées, générait un désir qui se renouvelait sans faire appel au passé ou au futur. La présence inquiète du passé chez l’un, l’anticipation persécutoire du futur chez l’autre, ont commencé à se manifester. Oh de façon imperceptible au début, un regard ailleurs, une écoute plus distante, un abandon plus retenu ou plus tiède, une demande plus insistante…

Et puis est arrivé le temps du doute, de l’exigence, du regret, de l’amertume, du sabotage de l’instant. Qui a commencé ? Lui ? Elle ? Qui a écrit en premier pour critiquer ce qui s’était passé, pour se plaindre de tout ce qui ne s’était pas passé, de ce qui avait manqué, de ce qui aurait dû être ? Qui a laissé entendre que ce n’était pas suffisant, qu’il fallait plus, qu’il faudrait quand même savoir ce que l’on veut, où l’on va ? Qui, oubliant le présent du présent, la folie de la rencontre, le merveilleux du partage, se persécutait à l’avance de ce qui pourrait arriver ? Se blessait de ce qui n’allait pas arriver ? Qui déposa sur l’autre les premiers ressentiments, les accusations, les reproches et bien sûr les refus ? Est-ce lui, est-ce elle ?

Aujourd’hui enfermés dans des rancœurs, séparés par un fossé d’incompréhensions, blessés par des mots irrémédiables, ni l’un ni l’autre ne comprend ce qui s’est passé, ce qui ne s’est pas passé, ce qui aurait dû se passer.

 Ils se jurent à eux-mêmes l’un et l’autre que c’est la dernière fois, qu’on ne les y reprendra plus, qu’ils veilleront à ne pas se laisser entraîner comme cela par le plaisir de la rencontre. Qu’ils se défendront mieux  face aux rêves et à l’espoir…

Mais comment feront-ils la prochaine fois ?